Buzz, marketing viral et microcommunication

lundi, octobre 02, 2006

Le buzz du musicien

Le rêve de tout musicien "indé" (indépendant : comprenez par là qu'il n'est pas signé en maison de disque) est de réussir à faire son trou médiatique tout seul. Jusqu'il y a peu c'était pratiquement mission impossible tant les rapports avec les médias grand-public (c'est moins vrai pour les médias plus spécialisés, plus underground) ressemblent de plus en plus à des accords commerciaux, pas à du journalisme. Mais depuis quelques temps les musiciens se prennent à rêver de gloire juste avec un blog et un peu de bouche à oreille. Douce illusion ou réel espoir ?

A l'origine de ce sentiment de puissance chez les indés : un fait divers qui a fait grand bruit dans la communauté mondiale des musiciens en 2005 : Arctic Monkeys (un groupe pop-rock anglais) et son énorme succès que certains rattachent uniquement à leur essor sur Myspace, LE grand rendez-vous des musiciens sur le Web. A utiliser Myspace régulièrement force est de constater la puissance de cet outil pour générer un buzz autour d'un artiste, mais de là à lancer une carrière par cet unique biais je suis déjà plus sceptique. Dans les colonnes de la Presse au moment du fait en question, on nous annonçait des centaines de milliers de visiteurs par jour sur le blog du groupe, un truc à l’origine mal foutu et illisible... Ensuite, le scénario de rêve : un petit label qui y croit dur comme fer et un premier album qui fait directement un carton sans prévenir personne. Difficile de distinguer la vérité du fabriqué. L'histoire est tellement belle qu'on se demande parfois si elle n'a pas été montée de toute pièce soit par Myspace (par le biais d'une agence de Buzz ?), soit par le label... Qui sait ?

Ceci dit, évidemment on a envie d'y croire ! Car si cet exemple est la "preuve" la plus marquante que le web est la meilleure arme pour l'artiste en développement, d'autres exemples plus discrets confortent nos convictions. A tel point qu'il devient presque indispensable pour tout artiste qui veut se faire connaître de réaliser son blog (plutôt sur Myspace qui est devenu la référence des blogs musicaux), d'y publier sa biographie et quelques morceaux en démo. Si en plus on peut y visionner quelques vidéos et voir quelques photos c'est parfait. C'est la première pièce d'identité de l'artiste, presque plus importante que le dossier de Presse ou le Démo CD de nos ancêtres !

Face à ce succès presque inattendu de Myspace - quand on constate leur développement un peu "à l'arrache" semble-t-il - les concurrents n'ont pas tardé à s'aligner. Pour ce qui concerne la France : WAT (www.wat.tv), Skyrock et la version "Music" de son désormais célèbre Skyblog, ou des opérations plus événementielles comme « SFR Jeunes Talents » qui propose un tremplin en ligne où les artistes sélectionnés par le jury verront leurs titres diffusés sur la plateforme mobile d’SFR.

Si on ajoute à toutes ces grosses usines à Gaz, les petits outils (encore les plus efficaces) du musicien moderne (blog classique, forums, e-mail, newsletter, mailing-list, MSN etc…) il est aisé de se constituer un véritable arsenal numérique de promotion pour pas un rond !

Alors OUI il est désormais envisageable de s’auto-buzzer grâce au Web ! Mais NON malheureusement dans 99% des cas ça ne suffit pas. Il faut encore passer par le réseau traditionnel (relations de Presse) pour espérer passer le stade des 1000 fans et sortir du carcan « cœur de cible » surtout lorsque son positionnement est trop underground (genre indie acid pop ethnique trans-sidérale). Myspace sert plus à faire du réseau qu’à toucher ses fans. On rencontre des artistes, on se fait connaître auprès des professionnels du milieu qui ont vite compris qu’il s’agissait là d’un véritable vivier, on s’en sert comme vitrine en ligne lorsqu’on n’a pas les moyens de réaliser un site professionnel (ça reste quand même vivement recommandé) etc… Mais ça reste encore une vraie mission d’attirer des milliers de visiteurs sur sa page sans gros moyens promotionnels. A moins de passer tout sont temps à poster des commentaires promotionnels sur les blogs, polluer les forums avec sa pub, spammer à mort tous ses amis… Et encore : on en découvre vite les limite ! Pour passer le stade supérieur au-delà de la constitution d’un réseau restreint, il faut s’afficher dans la Presse, être invité en radio ou télé, être programmé en playlist. Et pour ça il faut passer par les RP classiques : du papier, des timbres, un téléphone et énormément de patience et d’acharnement ! Des qualités pas données à tous les musiciens… Et encore l’expérience démontre parfois que ce n’est pas suffisant. Pour s’afficher dans la Presse à gros tirage, fréquenter les bonnes émissions de radio ou de télé ou entrer en playlist, il faut soit avoir des rapports commerciaux avec le média ciblé (acheter de l’espace pub), soit connaître de très près un décideur (programmateur, journaliste influent, rédac chef) soit espérer ce qu’ils appellent généralement « le gros coup de cœur ». Et ça apparemment c’est rare ! Ces gens là n’ont plus beaucoup de cœur en fait…

A mon humble avis la meilleur méthode reste de lancer le premier buzz sur le Web, avec les moyens du bord ; ce qui permet de toucher le cœur de cible et les « influenceurs ». Mais il faut très vite accompagner ce travail de RP classiques pour décrocher les premiers articles et interviews. Pensez aussi évidemment au live qui reste la pierre angulaire du développement artistique et participe beaucoup au bouche à oreille. Enfin le but ultime doit rester de se faire remarquer non pas par le grand-public (mission impossible !) mais par un label qui lui saura passer la vitesse supérieure grâce à son réseau de contacts et ses moyens financiers.

La promo indé en ligne ça marche ! Mais rarement tout seul et pratiquement jamais jusqu’au but ultime : le succès médiatique.